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TC/TD 2017 LANGUE

ENNONCE

Puis, d'un seul coup d’œil, la ville apparaissait.
Descendant tout en amphithéâtre et noyée dans le brouillard, elle s’élargissait au-delà des ponts, confusément. La pleine campagne remontait ensuite d’un mouvement monotone, jusqu'à toucher au loin la base indécise du ciel pâle. Ainsi vu d’en haut, le paysage tout entier avait l’air immobile comme une peinture; les navires à l'ancre se tassaient dans un coin ; le fleuve arrondissait sa courbe au pied des collines vertes, et des îles, de forme oblongue, semblaient sur l’eau de grands poissons noirs arrêtés. Les cheminées des usines poussaient d’immenses panaches bruns qui s’envolaient par le bout. On entendait le ronflement des fonderies avec le carillon clair des églises qui se dressaient dans la brume. Les arbres des boulevards, sans feuilles, faisaient des broussailles violettes au milieu des maisons, et les toits, tout reluisants de pluie, miroitaient inégalement, selon la hauteur des quartiers. Parfois un coup de vent emportait les nuages vers la côte Sainte-Catherine, comme les flots aériens qui se brisaient en silence contre une falaise.
Quelque chose de vertigineux se dégageait pour elle de ces existences amassées, et son cœur s’en gonflait abondamment, comme si les cent vingt mille âmes qui palpitaient là eussent envoyé toutes à la fois la vapeur des passions qu’elle leur supposait. Son amour s’agrandissait devant l’espace, et s’emplissait de tumulte aux bourdonnements vagues qui montaient. Elle le reversait au- dehors, sur les places, sur les promenades, sur les rues, et la vieille cité normande s’étalait à ses yeux comme une capitale démesurée, comme une Babylone où elle entrait. Elle se penchait des deux mains par le vasistas, en humant la brise ; les trois chevaux galopaient. Les pierres grinçaient dans la boue, la diligence se balançait, et Hivert, de loin, hélait les carrioles sur la route, tandis que les bourgeois qui avaient passé la nuit au Bois-Guillaume descendaient la côte tranquillement dans leur petite voiture de famille.
On s’arrêtait à la barrière ; Emma débouclait ses socques, mettait d’autres gants, rajustait son châle, et, vingt pas plus loin, elle sortait de l’Hirondelle.

Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857.

QUESTIONS:
I) Communication : / 5pts
1. a Identifiez le référent du l" paragraphe du texte et relevez ses substituts dans le texte. (2pts)
b. Déduisez l’angle de vue du narrateur. (1 pt)
2. Dégagez le présupposé et le sous-entendu de l’énoncé suivant : « Elle sortait de l’HirondeIIe. » puis justifiez la place de cette phrase dans le texte. (2pts)
II- Morphosyntaxe :/ 5 pts
l. Identifiez le temps verbal dominant dans le texte et justifiez son emploi. (2,5 pts)
2. Repérez la virgule dans l’extrait suivant et donnez ses valeurs. « Les arbres des boulevards… la hauteur des quartiers. » (2,5 pts)
III- Sémantique : / 5 pts
1. Construisez le champ lexical de la nature et de celui du déplacement et justifiez leur emploi conjoint. (2,5 pts)
2.a. A quoi renvoie l’expression « ces existences amassées ›› ?  (1 pt)
b. Quel sentiment d’Emma se dégage de l’emploi de cette expression ? (1 ,5 pt)

IV— Rhétoriques textes : / 5 pts
1. Identifiez les figures de style contenues dans l’énoncé: «Elle le reversait... où elle entrait. » Analysez-les et donnez leurs valeurs. (2,5 pts)
2. Quelle est la tonalité dominante de ce texte ? Justifiez votre réponse à partir d’indices textuels. (2,5 pts)

CORRECTION

I. Communication (5 pts)
1.a D’après le premier paragraphe, le référent de cet texte est la « ville » (0,5 pt)
Ses substituts lexicaux sont : « le paysage » , « le fleuve », « les cheminées des usines », « capitale », « les navires », « le fleuve », « la vieille cité normande », « les toits », « les îles » etc.
Ses substituts grammaticaux sont : « elle » (1,5 pt)
b. Le narrateur voit cette ville de haut. Il a un regard surplombant sur la ville (0,75x2=1,5 pt)
2a. Dans l’énoncé, « Elle sortant de l’Hirondelle » il y a un présupposé et des sous –entendus
- Le présupposé est : « Elle était dans l’Hirondelle »
- Le sous-entendu est « Elle est arrivée à destination »(0,75x2=1,5 pt)
Cette phrase clôt le texte en mettant un terme à la vision du narrateur (0,5 pt)
II Morphosyntaxe (5 pts)
1.a. Le temps dominant de ce texte est l’imparfait de l’indicatif (1 pt)
Il a 31 occurrences sur 33 verbes conjugués. Quelques exemples :
« apparaissait », « remontait », « s’élargissait », « avait l’air », « se tassaient », « arrondissait », « semblait » etc. (1 pt)
L’emploi de l’imparfait de l’indicatif se justifie par le fait que le texte est descriptif (0,5 pt)
2. Dans l’extrait « Les arbres des boulevards, sans feuilles, faisaient des broussailles au milieu … hauteur des quartiers », la virgule apparaît 6 fois (0,5 pt)
Lorsqu’elle encadre les expressions « sans feuilles », « tout reluisants de pluie » . et dans « selon la hauteur des quartiers » elle a une valeur explicative (1 pt)
Les autres occurrences ont une valeur énumérative (1 pt)
III Sémantique (5 pt)
1.a Le champ lexical de la nature est constitué par les mots et expressions « brouillard », «campagne », «ciel », «paysage », « fleuve », « collines », « îles », « eau », « poissons », « arbres », « feuilles » etc. (0,25x4=1 pt)
Le champs lexical du déplacement quant à lui est constitué par les mots : « descendant », « remontait », «s’envolait », « emportait », « galopaient », «montait », « descendait », « sortait » etc.(0,25x4=1 pt)
b. Leur association se justifie parce que c’est le déplacement qui permet de découvrir la nature (1 pt)
2.a L’expression « ces existences amassées » renvoie à la population de la ville dont la perception globale donne au personnage qui voit une impression d’entassement. (1,5 pt)
b. Le personnage (Emma ) éprouve un sentiment de satisfaction, de libération , de soulagement (1 pt)
IV Rhétorique des textes (5 pts)
1. Les figures de style contenues dans l’énoncé : «Elle le reversait au dehors … ou elle entrait » sont les suivantes
- L’énumération : recensement des endroits ou Emma déversait son amour (sur les places, sur les promenades, sur les rues). Cette énumération a valeur d’accumulation
- La comparaison : l’auteur fait un rapprochement entre la vieille cité normande et une capitale démesurée dans un premier temps, puis avec Babylone dans un second temps. Il souligne ainsi l’immensité de la population résidant dans l’endroit surpeuplée qu’Emma va découvrir.
- L’allitération en ‘’s’’, on peut en effet relever un grand nombre de sifflantes « renversait … sur les places, sur les montagnes, sur les rues… s’étalait à ses yeux &helliphellip;» Elle renvoie à une mélodie appréciative.
- L’anaphore : la répétition du même syntagme prépositionnel « sur les » ( 3 occurrences ), traduit l’insistance ( effet d’accumulation ) (2,5 pt)
2. Ce texte a une tonalité réaliste (1 pt)
Ceci s’explique par la précision du vocabulaire, l’emploi récurrent de l’imparfait de l’indicatif à valeur descriptive, et par l’accumulation des détails qui créent l ‘illusion du recel (1,5 pt)

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